DREW STRUZAN, L’AFFICHISTE LÉGENDAIRE
QUI A FAÇONNÉ L’IMAGINAIRE DU CINÉMA
Un pinceau, de la gouache, une lumière frappante – et le monde du cinéma changeait d’apparence. Drew Struzan ne “faisait” pas des affiches : il sculptait des promesses visuelles, des légendes incarnées.
Quand l’image devient émotion
Quand on voit une de ses compositions — Luke contemplant l’horizon, Indiana Jones en silhouette, E.T. dans la nuit — on ne voit pas seulement un film, on ressent une émotion.
Il y avait dans son trait, dans son usage de la lumière, une certitude :
« la magie d’une image naît du geste, pas du filtre.”
Le 13 octobre 2025, Drew Struzan s’est éteint à l’âge de 78 ans.
Le cinéma et le monde du graphisme perdent un artisan d’émotion, un peintre de la mémoire collective.
George Lucas et Steven Spielberg lui ont aussitôt rendu hommage, rappelant combien leur univers visuel lui devait.
Le peintre des légendes
Drew Struzan est né en 1947 à Portland. Après des études d’illustration au ArtCenter College of Design, il débute dans la musique, réalisant des pochettes d’albums pour Alice Cooper ou The Beach Boys.
Puis vient Hollywood. Et tout bascule.
Avec Star Wars, Indiana Jones, E.T., Retour vers le futur, Blade Runner ou encore Harry Potter, Struzan devient le visage du cinéma populaire des années 1980 et 1990.
Ses affiches, peintes à la main, traduisent la promesse d’un spectacle total. Il peint à la gouache, à l’aérographe et au crayon, mêlant réalisme, chaleur et souffle épique.
Ce qui fascine chez lui, ce n’est pas seulement la technique, mais la manière dont chaque visage semble raconter une histoire.
Ses affiches sont vivantes : elles respirent le mystère, la nostalgie, la grandeur.
“Nous lui devons beaucoup”
les hommages de Lucas et Spielberg
Quelques heures après l’annonce de sa mort, George Lucas écrivait :
“Drew était un artiste de très haut niveau. Ses illustrations reflétaient parfaitement l’enthousiasme, le ton et l’esprit de chacun de mes films qu’elles représentaient. Sa créativité, à travers une seule image illustrée, ouvrait un monde plein de vie aux couleurs vives… même d’un simple coup d’œil. J’ai eu la chance de travailler avec lui à plusieurs reprises”
Steven Spielberg lui a rendu un hommage tout aussi émouvant :
“Drew créait des œuvres d’art événementielles. Ses affiches ont fait de nombreux de nos films des destinations incontournables… et le souvenir de ces films et de l’âge que nous avions lorsque nous les avons vus nous revient toujours à l’esprit dès que nous apercevons ses images photoréalistes emblématiques. Avec son style unique, personne ne dessinait comme Drew.”
Deux phrases simples, mais qui résument tout : sans Struzan, l’imaginaire visuel de leurs films n’aurait jamais eu cette intensité.
Il a su donner une chair visuelle aux héros qu’ils inventaient — un pont entre le rêve et le réel.
Lucas et Spielberg ne se contentaient pas d’admirer Drew Struzan — ils le considéraient comme un compagnon de création.
George Lucas ira même jusqu’à lui confier la conception du logo d’Industrial Light & Magic, la mythique société à l’origine des effets spéciaux les plus révolutionnaires d’Hollywood.
Quant à Steven Spielberg, il fit un choix révélateur de cette confiance : lors de la sortie de E.T. en 1982, il refusa que la moindre photo de la créature soit utilisée pour la promotion du film.
Il voulait que le public découvre E.T. à travers le regard de Drew — non pas l’image d’un extraterrestre, mais celle d’une émotion.
Des années plus tard, pour Star Wars : Épisode I – La Menace fantôme, Lucas imposa par contrat que l’affiche de Struzan soit la seule autorisée dans le monde entier.
Aucune modification, aucun recadrage, pas même une retouche de lumière : seule la version originale, telle que sortie de la main de l’artiste, pouvait représenter son univers.
C’est dire la foi absolue que ces deux maîtres du cinéma plaçaient dans le regard de Drew Struzan — un regard capable de rendre le merveilleux tangible, avant même que la caméra ne tourne.
Une influence toujours vivante
Aujourd’hui encore, son empreinte traverse le graphisme contemporain.
Les affiches alternatives de Mondo, les visuels de Stranger Things ou certaines campagnes publicitaires à l’esthétique “retro-cinéma” lui doivent beaucoup.
Son approche picturale, son sens de la composition centrée sur le portrait, sa lumière chaude et dramatique continuent d’inspirer toute une génération de graphistes, illustrateurs et directeurs artistiques.
Struzan nous a légué plus qu’un style : une philosophie.
L’idée qu’une image n’est pas seulement vue, mais vécue.
Dans un monde saturé d’images instantanées, son œuvre rappelle que le geste humain, la patience, et l’émotion sincère peuvent encore tout changer.
Ce que nous enseigne Drew Struzan
Créer, ce n’est pas suivre une tendance — c’est fabriquer une émotion durable.
L’affichiste américain nous montre que la force d’une image naît du dialogue entre le cœur et la main.
Et qu’avant d’être un métier, le graphisme est une forme de poésie visuelle : un langage universel entre l’artiste et le spectateur.


